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adieu mon grec
Le Cap Ferret… Ses huîtres, son micro climat. Et mon frère surtout. Il vit chez les parents, au fond du jardin. Dans les pins.
Venet nous a quitté jeudi, cet ami cher. Si rapidement… Alors voir mon frère, c’est le retenir un peu, même si le temps des illusions s’en est allé.
Venet…
130 kilos au meilleur de sa forme. Le Grec était un fort personnage. Il avait quitté son pays natal en quatrième catastrophe, dans le premier train venu, autour de 1974… Peu encombré par les malles, qu’il était. La garde nationale chypriote grecque, Ioannidis, la junte, que sais je, tous ces colonels médiocres avaient contrarié ses projets de vie…La rondelle roussie, qu’il avait eu le Venet, le feu au derge. Direction la France. Un Batisti avec les mains propres en quelque sorte. Il avait repris sa marche. Etudes de médecine, chirurgie. Il savait notre métier. Un fil un seul et il vous démontait les bourses, vous remettait les couilles à leur place, calme, débonnaire et toujours efficace. Il avait la culture de la Grèce antique, l’humanisme hypertrophié du militant de la vraie gauche extrême et non la hargne assassine des staliniens d’hier et aujourd’hui. Et puis l’amour de la mer, en bon grec, fils d’armateur. Voiles, gréements, navigation... Il flottait dans la vie avec grâce, le gros. Il était unique, comme chacun d’entre nous bien sûr, mais tellement plus unique que moi…
Venet a lâché la rampe, quitté la table, tiré sa révérence. Il ne reste que son citron, son oignon et quelques poils de sa moustache sur la nappe. Fin de l’histoire..
Je surprends le frangin à mon arrivée, somnolent sur sa couche. Il a encore perdu du poids. Plus un cheveu, quelques poils d’une barbe devenue blanche. 43 ans. Le galet de la pompe d’alimentation vient troubler le silence des lieux, bien agaçant. Un liquide laiteux est conduit vers la sonde gastrique d’alimentation, le festin du jour. De l’eau, du tabac, de la morphine… Trop fatigué pour parler, trop angoissé pour penser.
Mes parents observent, tout vieux, tout rabougris, tout assommés par tristesse… Attendant la conflagration funeste.
On le laisse se reposer, on part marcher sur la plage tous trois, on s’étreint un peu, mâchoires serrées, larmoyants et contrits…
On s’accompagne.
A bientôt…
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Commentaires
2denisDimanche 14 Mai 2006 à 19:533ANNELundi 15 Mai 2006 à 16:07Salut Venet
désolée Denis d'avoir été une si triste messagère...Venet, notre grand héros s'est battu jusqu'au dernier moment, et s'est endormi le plus doucement possible, accompagné par sa soeur et sa compagne Bises Anne B4denisLundi 15 Mai 2006 à 20:49
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.... (si, si... :)