Notre correspondant du Cap Ferret nous adresse ce pli des plus précieux.

« Je me rendais en auto au Truc Vert, cette plage dont j’aimerais que l’on m’indiqua l’origine du nom quand cela se produisit. Je glissai un cd dans la fente à cet usage destinée. Il s’agissait je crois du morceau Ederlezi, de Goran Bregovic, bande son du film le Temps des gitans, de l’immense Kusturica. Alors que je traversais la forêt de pins meurtrie par la tempête et les sacs poubelles, mon attention fut happée par le son envoûtant de la voix enfantine de la chanteuse. Je sentis croître en moi l’émotion du mouvement musical qui allait crescendo. Mes pensées furent assaillies en l’instant par une peine immense et absolue, tel orage dans un ciel d’été. Subjugué par l’émotion, je restai suspendu et des larmes inondèrent mes yeux quand explosa le chœur, déchirant sinistrement mon âme. L’atroce souffrance de la condition humaine, l’épouvantable horreur de la douleur de mes proches, la torture et les tourments de l’existence mais aussi la sublime beauté de l’art et des mouvements humains les plus désintéressés m’apparaissaient pèle mêle en l’instant dans leur splendeur et leur cruauté respectives. Je touchais les étoiles…
Le morceau stoppa, laissant la place à une air joyeux de chœurs et de cuivres.

J’essuyais une larme, maudissant dieu et le diable. 

Anéanti par ma sentimentalité, je fis alors ce que tout être fort se devrait de faire en ces moments sublimes : je pétais un bon coup, me déchirant le cul à m’en faire applaudir les fesses.

Les sentiments, il s’agit de s’en défaire dans la subtilité et la grâce.

Ah dieu, j’en pleure encore… »